Les combats entre rebelles houthistes, aidés par l’Iran, et loyalistes, soutenus par l’Arabie saoudite, ont repris dans le nord du pays alors que la situation se dégrade dans le sud.

Après une fin d’année marquée par un calme relatif et la poursuite de pourparlers par les multiples acteurs du conflit, le bruit des armes et le décompte incertain des morts sont de retour dans le nord du Yémen. Les rebelles houthistes y combattent de nouveau les forces progouvernementales, appuyées par l’aviation saoudienne depuis le début de l’année. L’escalade militaire entre les rebelles et le gouvernement continue alors qu’un accord conclu entre le gouvernement loyaliste et les indépendantistes du sud du pays laisse voir de nouveaux signes de faiblesse.

Le spectre de la guerre de tous contre tous plane à nouveau sur le pays avec ses galaxies aux orbites changeantes d’armées étrangères, de milices et de potentats locaux parmi lesquels survit tant bien que mal une population piégée, qui compte près de 4 millions de déplacés sur 28 millions d’habitants. Depuis l’intervention de la coalition arabe menée par l’Arabie saoudite contre les rebelles houthistes soutenus par l’Iran en 2015, en soutien au gouvernement officiel, des dizaines de milliers de personnes auraient été tuées par les combats ou par l’effondrement des institutions et de l’économie.

« Rareté des observateurs »

La nouvelle escalade militaire a redoublé d’intensité ces derniers jours dans les régions de Sanaa, Marib et Al-Jawf, dans le Nord. Les pertes sont lourdes dans les deux camps, mais les rebelles et leurs alliés semblent avoir l’avantage sur les troupes gouvernementales. Le gouvernement yéménite, en exil à Riyad, a affirmé que les rebelles houthistes qui contrôlent la capitale et disposent du soutien de l’Iran ont lancé un missile contre un camp militaire loyaliste, tuant une centaine de personnes, le 18 janvier. Ce bilan n’a toutefois pas été corroboré de manière indépendante.

Mercredi 29 janvier, les rebelles houthistes qui contrôlent la capitale, Sanaa, ont aussi affirmé avoir lancé une attaque de drones et de missiles non confirmée contre des installations d’Aramco, la compagnie pétrolière saoudienne. En septembre 2019, des attaques de grande ampleur revendiquées par les rebelles mais attribuées à leurs alliés iraniens avaient causé des dégâts majeurs, bloquant temporairement 5 % de la production mondiale.

L’origine précise de l’escalade en cours de même que la nature réelle des attaques de missiles revendiquées ou dénoncées restent incertaines. « La rareté des observateurs indépendants et la volonté de chaque acteur de contrôler le récit rendent particulièrement difficile d’établir la chronologie des faits qui ont mené à la dégradation actuelle de la situation sécuritaire », relève Peter Salisbury, spécialiste du Yémen pour l’ONG International Crisis Group :

« Une chose est sûre toutefois, même si les houthistes et l’Arabie saoudite n’ont pas cessé leurs pourparlers, il n’existe aucune confiance entre les parties en conflit. Chacun veut instaurer un nouveau rapport de force militaire pour peser dans des négociations futures. »

Plan resté lettre morte

Les combats en cours pourraient faire dérailler tous les pourparlers bilatéraux qui constituent le semblant de processus politique en cours autour du Yémen. « Dans le camp gouvernemental comme dans le camp houthiste, les “faucons” gagnent du terrain à la faveur des combats », estime M. Salisbury. La clé de la désescalade se trouve toutefois à Oman, entre les mains du successeur du sultan Qabous Ben Saïd, mort le 10 janvier, selon Farea Al-Muslimi, président du Centre Sanaa pour les études stratégiques, et chercheur associé au groupe de réflexion Chatham House : « Mascate est le lieu des pourparlers entre Saoudiens et houthistes. Quelle que soit la position du gouvernement yéménite, c’est bien du maintien du dialogue entre Riyad et les rebelles que dépend la paix. Le nouveau sultan, Haitham Ben Tareq, en est le garant. »

Selon un accord signé avec le gouvernement en exil conclu au forceps sous patronage de l’Arabie saoudite, en novembre 2019, à Riyad, les séparatistes sudistes qui, de leur côté, revendiquent Aden, la grande ville portuaire méridionale, devaient s’intégrer aux forces gouvernementales. Aussi ambitieux qu’irréaliste, le plan qui devait mettre fin à une guerre dans la guerre du Yémen est resté, pour l’essentiel, lettre morte. Les séparatistes rechignent à livrer leurs armes lourdes aux forces gouvernementales. Certains, dans les cercles loyalistes, vont jusqu’à accuser les sudistes ou leurs parrains, les Emirats arabes unis, d’être à l’origine de l’escalade en cours… Riyad et le gouvernement officiel étant trop accaparés par les combats dans le nord du pays pour contraindre les sudistes à rentrer dans le rang.

 

Cet article a été publié le Le Monde.